Atelier :”Repenser la narration : les femmes noires prennent la parole”

Évidemment, il y avait dunBey dans la conversation.

Ces deux derniers jours, j’ai animé un atelier dans le cadre de l’Université populaire organisée par Assiégées. J’avais déjà eu l’occasion de discuter avec des gens, ou même d’en rencontrer lors de cafés littéraires que j’avais organisé, mais l’atelier était une première ! Au milieu d’une vingtaine de femmes noires, entre 20 et 30 ans, nous avons échangé, débattu et réfléchi à la réappropriation de notre narration.

Concrètement ça veut dire quoi ? Eh bien à l’aide de supports et d’articles, mais aussi des expériences des participantes, nous avons d’abord analysé les rouages de l’imaginaire collectif, en voyant comment le capitalisme, le coloris me et l’occidentalisation configurent nos”modèles”, souvent des femmes noires influentes ou au contenu influent répondant à des codes. C’était très intéressant de distinguer l’importance de la représentation et les capitaux que celle-ci engendre et dont les principales concernées ne sont pas bénéficiaires (voir la polémique autour d’Empire et de directeur raciste de la chaîne).

Ensuite, je les ai questionnées sur la légitimité de notre revendication “pour nous et par nous”, et j’ai été frappée par cette colère et fatigue commune que l’on’partage en france, à devoir se justifier, s’excuser, et s’isoler. La non-mixité de l’atelier a vraiment été salvatrice, dans le sens où nous acceptons nos points communs comme nos divergences dans la restitution des femmes noires.

Enfin, la troisième partie était la plus intéressante. Co-anime avec la blogueuse Many, nous avons abordé l’importance du réseau que nous formons en tant que femmes noires, et de l’application de nos compétences pour construire des projets. Je ne compte même plus le nombre de projets cools et divers qui ont été énoncés ! J’étais vraiment heureuse de voir cette réserve d’idées. Il y en a d’ailleurs que nous espérons mettre en pratique – dès que j’aurais retrouvé un ordi potable, tchip.  La dimension d’empowerment était essentielle à cet atelier pour moi, je voulais qu’elles repartent en sachant qu’elles sont dans leur droit, qu’elles sont légitimes et qu’elles peuvent créer, à leur échelle, des outils pour se réapproprier leur narration.

Chaque séance s’est terminée sur le parvis de la BNF, parfois jusqu’à 2h du matin si je ne me trompe pas lol, tant nous avions à dire, à échanger, de manière franche, sans gêne et sans filtre. (Mention speciale quand la secrétaire blanche a entendu une des participantes parler de privilège blanc 😂).

Ce que je retiens également de cet atelier, c’est qu’il gagnerait aà se décentrer. Des femmes se sont déplacées de loin pour cet atelier, et le thème de l’isolement est revenu souvent, surtout pour celles qui comme moi viennent de province. Je compte donc réitérer l’expérience hors de Paris et hors de l’Université populaire, et je vous invite à balancer vos commentaires pour me dire où devrait être ma prochaine destination ;).

D’un point de vue personnel, ça m’a énormément touché de voir que mon blog avait touché certaines des participantes dans leur parcours, et la manière dont elles voulaient “susciter la même chose” à leur tour – (et par la même occasion, j’apprends que des professeurs étudient mes textes dans leurs cours… Mmh faudra qu’on m’explique comment ça se passe, ça m’intéresse !). Bref, ça m’a rappelé pourquoi et pour qui j’écris, et surtout le but de ce blog : laisser une trace pour des filles comme moi.

Care et femmes noires #1 : Les ombres de Malcolm X

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Ella Little Collins (demi-soeur de Malcolm X)

Cela fait un moment que je réfléchis à cette série d’articles, et ses composantes. Beaucoup d’articles du côté US traitent du “self care” des femmes noires, permettant à chaque femme noire conscientisée de se ressourcer et d’élaborer des stratégies de résistances dans la société. Se préserver, prendre soin de soi face à l’intersection de plusieurs violences, développer un système de soutien entre ses semblables, le rendre accessible pour éviter l’isolement et le repli… Je n’ai pas trouvé beaucoup d’éléments de ce genre du côté francophone, voire français.

Le hasard a fait que, ayant vu passer çà et là des productions de femmes noires ou des traductions d’ouvrages, j’ai eu envie de faire une série sur le sujet. Parler des conséquences psychiques du racisme et du sexisme sur les femmes noires est encore tabou. Ce sont parfois des considérations que nous avons appris à ne pas relever, étant donné que les femmes noires sont éternellement ramenées au cliché type : on est “agressive, dure, vulgaire, laide”, mais en aucun cas, on ne peut être fragile, ou même parler de dépression.

Qu’il s’agisse de ma propre expérience face au corps médical, ou encore de l'”incroyable force” que l’on nous attribue quand l’on reçoit des insultes misogynes et racistes parce que nous nous exprimons, la manière dont ces attaques ont été minimisées, non pas par leurs auteurs, mais par d’autres qui aiment se penser antiracistes en se couchant le soir, bref, quelque soit la raison que vous choisirez parmi tout cela,  c’est un sujet difficile à mettre sur la table pour moi.

Néanmoins, la force et le soutien infaillibles me sont venus de ces mêmes femmes noires, tout aussi fatiguées que moi parfois. Lors d’un pique-nique dans un parc, lors d’une conversation, à travers un article où elles se sont exprimées, toutes ont contribué à leur façon à ce que je me sente mieux. J’ai lu, écouté, puis lu encore.

Alors, il faut bien l’écrire. Voici donc une série de posts intitulée Care et femmes noires, où je m’appuierai sur des travaux et des supports divers. Promis, vu qu’il s’agit de parler de care, l’ambiance ne sera pas aussi pesante dans les prochains articles !

#1 Les Ombres de Malcolm X

TW: validisme, misogynoir, démembrement

Dans ma lecture progressive de Malcolm X, une vie de réinventions de Manning Marable, deux figures m’ont inspiré ce premier post sur le Care. Ella Collins, demi-soeur de Malcolm, et sa mère, Louise Little. Ce qui transparaît dans ce que décrit cette biographie sont les conditions qui vont les précipiter dans un état psychique fragilisé.

Un premier exemple est sans doute la facilité avec laquelle certaines femmes noires étaient internées :

Deux décennies après ces événements [plusieurs incarcérations], elle est admise à l’hôpital psychiatrique central du Massachussetts à la suite d’une inculpation pour port d’arme dangereuse. […] Bien que [le directeur du centre psychiatrique] rapporte qu’elle fut “une patiente modèle, tout à fait raisonnable, faisant preveu de finesse d’esprit, d’intelligence et de charme” il note aussi qu’Ella avait un “caractère paranoïaque et qu’en raison du caractère militant de sa personnalité[…] on pouvait la considérer comme dangereuse“. (P.70)

A l’instar de Malcolm, Ella a été sensibilisée au mouvement de Marcus Garvey, prônant un retour en Afrique et une fierté noire. Elle est une des personnes qui va inspirer Malcolm et, au cours de sa vie, elle contribuera de près ou de loin à l’activisme de ce dernier, même quand il décidera de quitter la Nation de l’Islam pour créer son propre mouvement, Organization of African American Unity; et dont elle deviendra présidente après son assassinat.

Je n’ai pas trouvé plus d’informations sur la vie d’Ella Collins durant son internement, mais il me semblait important de citer les raisons énoncées par le corps médical dans son dossier. En somme, on peut d’ores et déjà voir comment les institutions ont pleinement participé à une politique ségrégationniste, en estimant dangereuse cette femme activiste. Pas sûre que les membres du KKK aient eu droit au même traitement *boit son thé*.

Mais le plus triste exemple est sans doute celui de Louise Little. Après l’assassinat raciste et immonde du père de Malcolm X – ce dernier a été battu et jeté sous un tramway -, Louise Little se retrouve seule avec ses sept enfants. Si l’administration de l’époque accorde une aide très minime à la mère de famille, cette aide se solde par un contrôle constant du quotidien de la famille par l’administration.  Louise va multiplier les petits jobs pour subvenir aux besoins de ses enfants, en quête d’une autonomie qu’elle ne trouvera jamais.

Harcelée et humiliée à plusieurs reprises par le voisinage blanc et par l’assistante sociale, et abandonnée enceinte de son huitième enfant par l’homme qu’elle fréquente après son mari défunt, Louise s’effondre physiquement et mentalement :

“Quelques jours avant Noël, des policiers la trouvent errante pieds nus le long d’une route enneigée, portant son dernier enfant sur la poitrine. Elle semble traumatisée et ne sait pas où elle se trouve.”

A la suite de cet incident, elle sera internée pendant 24 ans.

Louise et Earl Little, parents de Malcolm

Si j’ai choisi ces deux femmes dans l’histoire de Malcolm X, c’est parce qu’il me semble important que, dans la conception de care, il y ait une reconnaissance des douleurs et des fragilités subies par les femmes noires, qu’il s’agisse d’un point de vue psychologique ou matériel. Que ce soit par les normes ségrégationnistes ou patriacarles, l’autonomie des femmes noires et leur survie étaient extrêmement difficiles, et les condamnaient souvent à la solitude et à la précarité. La mythologie de l’antiracisme a contribué à minimiser l’impact de l’activisme sur les femmes noires ayant choisi de s’y consacrer et, le plus souvent, a participé à leur effacement dans l’Histoire.

Ainsi peut-on voir Rosa Parks comme la femme du bus, aux dépends de sa carrière et de son implication et ce n’est malheureusement qu’un exemple parmi tant d’autres.

Malcolm, lui-même, a nourri une pensée misogyne en estimant les femmes faibles et fragiles après l’internement de sa mère, et opposait Ella à celle-ci, qu’il estimait plus”forte”(ouais, il était pas parfait, et il n’était pas  le seul). Cette hiérarchisation misogyne repose notamment sur des critères virilistes, comme l’expliquait Mirion Malle dans sa BD : par son franc parler et ses activités douteuses (cambriolages, vols, combines) habituellement attribuées aux hommes, Ella méritait donc d’être valorisée pour n’avoir pas sombré et, surtout, pour avoir poursuivi ses ambitions, à l’inverse de Louise Little.

Donc, résumons : si la misogynoir se faisait déjà remarquer au sein des institutions, le validisme institutionnel était une oppression supplémentaire, obstacle supplémentaire à l’autonomie des femmes noires. Et si l’on remonte encore plus loin dans l’Histoire, rappelons déjà qu’en Europe, les femmes noires n’étaient pas considérées comme des “patientes” a priori, mais plus comme des animaux curieux à analyser et à disséquer, comme l’a tristement illustré le sort de Saartjie Baartman, connue sous le nom de Vénus Hottentote.

“Le 1er avril 1815, le rapport du chevalier Geoffroy Saint-Hilaire compare son visage à « un commencement de museau encore plus considérable que celui de l’orang-outang », et « la prodigieuse taille de ses fesses » avec celle des femelles des singes maimon et mandrill à l’occasion de leur menstruation.”

Extrait du film Vénus Noire

Et pour ceux du fond qui douteraient encore du caractère misogynoiriste derrière le traitement de Saartjie Baartman, on notera la manière dont les scientifiques faisaient une fixette sur des parties précises de son physique et l’animalisation qui allait avec :

“Exhibée, exploitée et humiliée en Angleterre puis en France pour les particularités de son corps, des fesses impressionnantes et les petites lèvres du sexe étirées, Saartjie Baartman fut disséquée et étudiée en 1816 par Cuvier. Puis le moulage de son corps et son squelette furent exposés au musée de l’Homme. Et certains organes conservés dans des bocaux.”source

“Après avoir exécuté un moulage de la dépouille mortelle, son corps est disséqué illégalement6 en public dans le laboratoire d’anatomie du Muséum par Georges Cuvier, zoologiste et chirurgien de Napoléon Bonaparte (mais qui voilà ?), qui prélève son squelette, son cerveau et tous les organes génitaux qu’il conserve dans des bocaux de formol. Cuvier recherche « un sexe de crapaux »7 dans les organes génitaux de la femme sud–africaine c’est-à-dire un sexe rembourré”. source

Que conclure ?

Bref, historiquement, il a fallu du temps pour que les femmes noires soient considérées sur bien des plans, mais surtout pour que les conséquences des oppressions sur leur état psychique soient reconnues. Et, malheureusement, on ne peut pas dire que ça ait beaucoup changé. Ô joie.

Pour l’heure, cette série de posts ne tend pas à insuffler un peu de décence à ceux qui minimisent cet état de faits, mais s’inscrit davantage dans une démarche de bienveillance : nous tendons à reproduire, nous femmes noires, ce même type de minimisation qui nous est inculqué et qui nous environne au quotidien. Je ne parle pas simplement du mot “victimisaton” jeté à tout va, mais bien de ce manque de considération pour soi, cet état de nous-même qui n’est ni aggressif, ni en colère, ni dur comme le demande le cliché de l’Angry Black Woman.

La reconnaissance ne doit pas attendre l’approbation des autres, mais bien être le fait des femmes noires. Et je sais à quel point il est difficile de s’autoriser à parler de la dépression ou encore à demander de l’aide, car nous héritons de stigmates tels que nous ne pensons pas y avoir droit ou, pire, que ces derniers font de nous des êtres plus faibles. Sauf que, qu’on se le dise, la “dignité de la femme noire” ne vaut pas grand chose quand elle se solde par le mal être.

Heureusement, des moyens ou stratégie de résistance sont de plus en plus développés, outre-atlantique… et en France ! Avec une thèse comparative sur les travaux littéraires d’auteurEs noirEs francophones et anglophones, l’auteure dont je vous parlerai la prochaine fois à étudier les stratégies de résistances.

Et je peux déjà vous le dire : il y aura du Toni Morrison, dedans.

A suivre.

“Aller de l’avant”: une toxicité, à l’épreuve de la temporalité

Les récentes discussions sur Twitter tournaient autour de la toxicité dans le(s) milieu(x) militant(s), discussions que j’ai regardé de loin, perplexe. Puis, par hasard, j’ai vu, puis lu d’autres articles ou réflexions sur le sujet, et j’ai finalement réussi à … Continue reading

03 Rencontre avec Fania : non-mixité, politique de respectabilité et “niafou”

assiegees

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Le Twitter d’Assiégées/Le Twitter de Fania 

Les journées ITMTC

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Les journées Intersectionnalité ITMTC

#BoycottHumanZoo: when racism becomes part of the art landscape

 

N.B. This is a translation of a French article – the first part – written by Mrs Roots and Po Lomami. The specific context is that of France’s racism (which deliberately chooses to avoid talking about race or to acknowledge its racism). France is also the host of a distinctive elitist class of academic assholes in white beards who protect “art” at any cost, thus pre-emptively avoiding any constructive concrete art criticism (so we’re definitely not talking about whether this triangle is on the right side of the canvas here – somehow, they see that as more of an acceptable debate than whether a piece is racist or not). Also I’m a white girl who drinks Starbucks and eats bland chicken, so my translation may not be 100% on point, even though I wholeheartedly agree with the author. I hope she’s happy with it, but if you have anything to say, better address me (anything that appears like trash to you is probably just bad translation and I take full responsibility, do not hesitate to throw canned tomatoes at me – without the can).

@evanarchiste

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Let’s be honest, it took us a while.

It took us a while to accept that we had to sit down, to look in the face of what was happening, to transcribe our anger on those pages, to articulate our different perspectives, one of them being vegan and antispeciesist, and to face the promotion given to this new “artwork”. Yes, it took us a while to realise that today, in 2014, we’re asked to be spectators of a performance showcasing a black person, just like us, behind the bars of a cage, in the name of Art. It took us a while to understand that this was real. After all, the shows and performances and films that we had seen – those public spaces from which we were constantly absent and erased – did not prepare us for the way Art chooses to represent us today. We were accustomed to the promotion of our exotic capital, on which many art institutions build their own capital. At best, we were getting used to the “Vénus Hottentote” remaining a nameless pain, a woman used as an example to denounce the animalisation of the black body, including, even, the dissection of its genitals – while the authors of such horror remain unnamed and undenounced. Yes, despite our lack of representation, despite the caricatures and the uneven perspective, we didn’t expect to see the promotion of an artwork such as Brett Bailey’s. The description reads:

“Caged women and chained men. Here are some of the tableaux presented in Exhibit B, in venues such as the espace 104 in Paris from the 7th to the 14th of December. The South-African artist Brett Bailey chose our colonial past as his theme.”

“Our colonial past”. A very hypocritical “our”, as it is only articulated around the servitude of black bodies for a museum exhibit. It’s been a couple of days since the first questionings about this exhibit’s racism were raised. Should we dare mention its cancellation across the English Channel, and we hear the outrage about censorship and attack on freedom of speech. A freedom of speech that is to be understood as one of depreciation of ethnic minorities as it has always been seen in the media.

Thus, Art is reason enough to justify the existence of this artwork. It’s so sacred that it remains exempt of society’s tendencies and values. It’s neutral land, untouched by the power struggles created by a Western society that refuses to mention race (let alone talk about it), a society that would rather believe in a nonsensical antiracism that refuses to say the word “black” and whose trademark is “I don’t see colour”. This continuous erasure of social issues linked to race is not without consequence.

It’s what allows us today to witness a discussion where people agree on the racial connotation of black bodies in this artwork, while simultaneously denying to consider the artist’s skin colour and its relevance to the subject. Today, still, white is a colour that cannot be named.

It’s what allows us today to witness the defenders of this exhibit arguing that it does denounce racism, while simultaneously denying the thoughts of the actual victims: the black diasporas.

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  1. LET’S TALK ABOUT RACISM – BUT NOT ABOUT RACE

To resume: a white South-African artist decided to recreate a colonial zoo, showcasing black people, in the same way colonial zoos did during colonisation and universal exhibits, for the entertainment of white spectators. We are thus invited to pay a twenty euro fee in order to relive this unique experience – watching caged black people. If the colonial zoo was a problem in the past, what is the difference with today’s exhibit, in Paris? This is the question we raised when facing unconvincing justifications for this exhibit:

  1. “Brett Bailey’s colonial zoo is meant to denounce”: the loyal recreation of human zoo would be a form of denunciation in itself, but how? In choosing to solely expose chained black bodies without representing domination mechanisms, whether it be through the absence of the actors (white colonisers) or of the institutions, we remain in a fantasy according to which our context (being a French society in 2014) speaks for itself. Indeed, who would create an actual human zoo in 2014? The museum exhibit preserves this “actual”, as if the museum as an institution were only a fictional ground, a special place free from our society’s xenophobia. Placing this institution out of its context, out of History, imitates racism’s mechanisms: it follows the belief that the past is entirely detached from the present. The artist counts on a contemporary pride that stems from the belief that our society today is so evolved that it’s post-racial – but, more importantly, that the colonial past is just that: past, done with entirely. Yet, colonial past, just like its friend racism, remains a latent oppression that continues to be perpetuated. Refusing to listen to the black diasporas denouncing this exhibit is yet another proof that the black body isn’t seen as valuable to the narrative unless it’s part of the story, but never as the author. The exhibition of chained black bodies, in its forced passivity, in addition to the absence of the colonisers, is a narrative choice that doesn’t denounce anything. All it does is maintain the colonial tradition that forces black bodies to remain quiet. Its exhibition has one goal only, and an awful one at that: alleviate the guilt while catering to the ego of the spectator, whose sole thought will be “what terrible things they did”, without realising that they themselves are participating in an effort to maintain the racist status quo.
  2. The black body, antiracism’s crash test: thus, the black body remains the crash test of the good conscience. “Let’s go to the museum, so I can see how I’ll react while facing animalised and chained beings!” The spectator will be able to brag about this afternoon of discovery, where their confrontation with a racist exoticism might bother them, surprise them, and maybe even disturb them a bit – an afternoon after which they will resume their daily activities. Brett Bailey creates a performance out of the black body, just like during colonial times, making everyone believe they have something to say about it. However, although each and every one of us may be able to say something about racism, not all of us suffer it.
  3. Black or white artist, does it make a difference? Wanting to denounce racism through the prism of an artwork when everybody refuses to acknowledge the skin colour of the artist pretty much sums up antiracism in France: “let’s talk about racism! But not about race!” It’s as if racism (whether it be today’s or yesterday’s) was confined within espace 104’s walls, for the duration of an exhibit. It may displease the artist and the artwork’s defenders, but racism isn’t about how good one’s intentions are. It’s built on a system of power struggles between the oppressors and the oppressed – and the latter constantly see their narrative and their voice stolen from them in order to justify just about anything. No one asked Brett Bailey to create this human zoo. No one asked for the animalisation of black people to be insisted upon whether it be in a need for catharsis, or as a duty to remember.

 

  1. A CALL FOR A BIASED OBJECTIVITY

It’s not uncommon for us, when facing the denunciation of the artwork’s racism, to be met with a cry for objectivity. It’s a very usual response to the denunciation of an oppression. “You’re too easily offended! You see racism everywhere!” Racism and xenophobia are commonly perceived as problems of sensitivity and subjectivity, the “you’re so easily offended” trope. It makes it easy to delegitimise the lived experiences of those victim of racism, forcing us to lose time and energy to explain why racism is racist. Here are the five most frequent responses we get:

  1. “You haven’t seen the exhibit yet!”: True. It’s actually not the first time the exhibit takes place in France, but social media has a way to dig up that which would want to remain unseen. The choice is actually simple. One can choose to pay in order to see the exhibit, out of sheer curiosity, all the while being a willing participant in racist entertainment and encouraging the idea that the artwork is only about caged blacks. This would justify the animalisation that seems to be the entire purpose of the show. But, after all, didn’t the minstrel shows showcasing white actors in blackface to make spectators laugh gather crowds? Who were there, obviously, out of sheer curiosity as well?

Or, one can choose to consider the basic concept of the colonial zoo as dehumanising and conclude that spending an “afternoon in the body of a coloniser” isn’t the healthiest way to reflect on antiracism.

  1. “But, what if it were a black artist? And if they showcased white men?” In trying to advocate for objectivity, our interlocutors see their subjectivity as neutral. Interchanging the races of the actors would seem to constitute a valid argument, but here are some reasons why it’s actually not the case:
    1. Not only do they then avoid the speak about race entirely, but they’re also taking extra care to avoid mentioning Brett Bailey’s and the majority of the spectators’ race, as well as the system’s race bias.
    2. To consider this kind of hypothesis is to see racism simply as “melanin levels that are too high”. Thus, it denies racism as a system based on the historic animalisation of black people (such an animalisation, needless to say, has never been inflicted on white people).
    3. Brett Bailey’s defenders make a big deal about the exhibit’s context, but will present any and all hypotheses to defend him. Its context remains the creation of a show by and for white people, to so-call denounce racism while using racist methods. However, if, the art work is not defendable within its context, what conclusion can we draw? That it’s racist.
  2. “Freedom of speech!”: the freedom to showcase a racist narrative in a public institution would then be more important than the dehumanisation of black bodies that is thoroughly encouraged by this exhibit, because “freedom of speech is a fundamental right”. When we know that that same freedom of speech is the most widely used argument by xenophobic politicians and intellectuals, it seems hard to understand how our interlocutors can deny a freedom that is theirs, but not everybody’s: the freedom of living, to be considered as a human being without fear of seeing your kind exposed in cages for the sake of an experiment.
  3. “It’s a museum! Nothing racist about that!” If institutions were exempt of all discrimination, never would the horror generated by universal expositions have existed, nor would hypnosis performances showcasing “hysterical” women have seen the light of day. French spectators enjoyed those performances, just like they enjoyed human zoos or the exhibition of sick people in front of hospitals.
  4. “There are black people who agreed to be showcased!” Choosing the participants of this exhibit as a safety net without taking into account the difficult economic situation or the complaints issued about the participation of certain workers is simply a desire to alleviate the white conscience. Despite this, let’s take a closer economic look at this situation.

Racism and colonialism had economic and capitalist purposes. Today, this continues to impact us. Indeed, let’s take a look at the way those actors were hired and paid. Bailey is paid while becoming somewhat famous and gaining a reputation as a must-see and a denunciator of racism. On the other hand, the actors were paid 110€ gross salary for a 3h performance (an amount of 120€ for the Gérard Philippe theatre). A reminder that those venues are paid for by public funding.

“What is fairly amusing is that the director pretends he created this project in order to denounce the power struggles between black and white people. Yet, there is no respect policy when it comes to the salary of the artists. He’s paid and continues chasing after fame. Meanwhile, at the 104, the artists were paid a 110€ gross salary for a 3h performance, and only 10€ more for the TGP. I believe this is a perfect example of cultural appropriation and ordinary exploitation.”

 

In other words, the institutions have never tried to stop the depreciation and animalisation of the other’s body. They have never protected the body of those oppressed (whether it be people of colour, transgender folks, queer people, women, not able-bodied, etc.) from the constant voyeurism that has transcended our History and justified number of discriminations, usually based on so-called scientific, psychological, historical or… artistic evidence.

The amount of tolerance given to Art, to Brett Bailey and to the ensemble of institutions in the promotion of this artwork is symptomatic of the current xenophobic climate, in France and in Europe. Hoping that museums become places of education and information, while loosely accepting just about anything from the proposed exhibits is condoning the discriminations faced by minorities and the way they’re taught. The deep apathy when facing the exhibition of a human being raises many questions about how sick our society really is. If you deem this kind of exhibition to be acceptable, then you believe humanity to be yet another glamorous object deserving of a place behind a wall of glass.

When facing such constant violence, we ask ourselves: when will racism shock you?

 

Thus, if after those couple of words, the presence of racism in a museum is too much for you, ask yourselves up to what point the general denial has allowed it to subsist; ask yourselves how far the wheels of this century-old oppression have come if, today, this exhibition shocks no one.

 

 

Thank you @evanarchiste for having translated this text.

01 Rencontre avec Fania : un militantisme haitianomolotov

Fania, fondatrice de la revue Assiégées, afroféministe de choc, lance cet été la première édition de son université populaire en non-mixité “Retournement de cerveaux” et ses journées Intersectionnalité Toi-même, tu sais !

Cet après-midi là, la jeune femme au sang #haitianomolotov nous accueille dans son appartement pour nous dire un peu plus sur elle !

assiegees

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“On se voit au Comptoir Général ?” Ou la consommation des femmes”racisées”

Tout a commencé quand une amie noire s’est entendue dire “bourgeoise” parce que nous parlions des produits fait-maison que nous faisions  pour nos cheveux afros. J’aurais très bien pu m’arrêter sur les raisons pour lesquelles ma pote et moi n’étions … Continue reading

Réflexion 7:”Tu ne vas pas dans le sens du vivre-ensemble”ou le baillon des minorités

Tout a commencé, comme d’habitude pour cette rubrique, avec une réflexion au détour d’une conversation qu’avait une amie. Jeune femme arabe, elle exprimait son enthousiasme vis à vis des initiatives mises en places par des communautés afros et arabes, dernièrement. Mais, toi-même tu sais, le seul communautarisme toléré étant celui de l’Assemblée nationale, mon amie n’a pas échappé à l’inévitable “vivre ensemble”. Mais si, tu sais, “le vivre ensemble”, cette expression que tu lis un peu partout dès qu’il s’agit de parler “des minorités visibles”et de la “diversité”, et”des gens de couleur” ? Non ? Bon, assieds-toi, et laisses-moi t’expliquer ce qu’est le “vivre ensemble”.

I. Le vivre-ensemble, une promesse…  jamais tenue.

Imagines une jolie boîte en métal, avec un très beau ruban et une image qui donne envie de manger les délicieux gâteaux et pâtes de fruits qu’elle contient. A priori, c’est une boîte pleine de promesses, qui assure un bon moment de dégustation avec ton entourage, bref, un petit moment de plaisir, de bonheur quoi. Sauf que, sous le couvercle et le ruban rouge, les gâteaux et les pâtes de fruit sont pourris, en décomposition depuis des années. Face à cette boîte, il y a deux types de personnes :

  • il y a ceux qui te promettent que les gâteaux sont bons puisqu’il faut croire en son emballage
  • il y a ceux qui savent que les gâteaux sont en décomposition et que ce qui est promu sur le couvercle n’est plus vrai – s’il l’a déjà été – depuis bien longtemps.

Le vivre-ensemble, c’est donc cette boîte pleine de promesse que l’on t’a exhibé depuis tout jeune, et pour laquelle on t’a promis que si tu t’intégrais bien, travaillais bien, que tu ne faisais pas trop remarqué, que tes origines restent exotiques mais pas trop visible quand même, que si tu rangeais ton boubou ou ton voile; bref, que si tu faisais en sorte d’être ce qu’on attendait de toi, les gâteaux, à l’image de notre société, seraient très bons. Sauf que toi, tu sais que les gâteaux sont pourris depuis longtemps. Alors, bien sûr, tu essaies de prévenir les autres, en leur expliquant que les gâteaux ne sont plus bons. Tu leur dis peut-être qu’on pourrait en faire d’autres, ensemble, où chacun n’aurait pas à se départir d’une part de son identité pour une seule et unique boîte en métal, atteignable avec tant de conditions. Des conditions qui concernent toujours les mêmes, les mêmes qu’on appelle à se conformer. Le vivre-ensemble, ce n’est donc pas un geste pour aller vers les autres, c’est une injonction où l’on demande aux autres marginalisé.e.s et discriminé.e.s de s’effacer pour rentrer dans un seul et unique moule : un moule sans Islam, sans mélanine trop élevée, sans patois ou langues trop étrangères… Parce que tu comprends, faut qu’on soit tous unis.

II. Le bâillon s’use

Tu lèves les yeux au ciel ou, au contraire, tu as un air de déjà-vu, c’est normal. Tu vois, comme on n’a pas envie de manger de gâteaux pourris, et que ça gêne les dominants d’en parler parce que la République… oups ! pardon, le couvercle de la boîte dit qu’on sera tous unis, forcément tu passes pour quelqu’un qui se fait remarquer, un.e ingrat.e, un voyou qui rejette la Fran-eu, la boîte. Et quand tu trouves des gens qui, comme toi, ne cherchent plus à avoir droit à la boîte à gâteaux mais préfèrent faire leur propre buffet, on voit cela d’un mauvais oeil. Maintenant que tu vois où je veux en venir, reprenons. Ma pote se réjouit donc que des femmes qui lui ressemblent se prennent en mains pour se faire entendre, et créer des alternatives à un moule oppressif; mais c’est-y pas qu’un homme blanc surgit et lui dit d’être déçu d’elle, parce qu’elle va à l’encontre du vivre-ensemble. Et c’est là que ça devient intéressant : concrètement, le vivre-ensemble, c’est quoi ? C’est un peu une photo de classe où il y aurait tout le monde, avec les dominants au centre parce que faut pas déconner quand même, souriant et les yeux brillants. Mais la photo ne t’apprend rien des violences subies entre ces personnes, elle fige juste un idéal social et politique où tout le monde pourrait s’abstenir de réfléchir à sa position dans sa société, et donc à ses privilèges. Donc, si toi, tu viens avec une photo de personnes racisé.e.s qui te ressemblent et qui, fatigué.e.s du rejet, de la xénophobie passive-agressive, de la LGBTQI-phobie, etc, se retrouvent enfin; qu’est-ce qui gêne ? Bah, notre ami n’est pas dans la photo. Autrement dit, l’égo est la principale motivation de certain.e.s à nous sortir le “vivre-ensemble”comme une sorte de bâillon, carte joker où il/elle se veut plus tolérant que toi, parce que tu ne l’inclus pas dans tes espaces. Trop longtemps, nos parents comme d’autres se sont vus entendre que s’ils étaient les bonnes minorités qu’on leur demande, ils auraient un avenir radieux comme leurs enfants aujourd’hui. Sauf qu’aujourd’hui, leurs enfants se voient l’objet de discriminations multiples et refusent le bâillon qu’on leur impose à leur tour. Je sais, on va dire encore que je caricature, qu’il y a des personnes qui croient réellement au “vivre-ensemble” et c’est tout à leur honneur. Seulement au lieu de brandir cela pour faire taire le premier racisé qui passe, il serait temps d’en faire une vraie réflexion politique et d’écouter les concerné.e.s : se vouloir dans la photo, ce n’est pas au nom du”vivre ensemble”, mais seulement au nom de son égo qui se sent exclu. On a cherché ce “vivre-ensemble”quand les communautés afro se faisaient insulter par la presse pour avoir refusé un zoo humain dans leur capital, on a cherché ce”vivre-ensemble” quand les féministes musulmanes et/ou voilées ont entendu “Solidarité ! Sauf avec les femmes voilées”; on l’a encore attendu ce”vivre-ensemble”quand le cortège des afro-féministes lors de ce 8 mars a eu droit à une veille négrophobe sur les réseaux sociaux. Bizarrement, à ce moment là, il n’y avait que nous sur la photo. Il n’y avait que nous qui étions ensemble. Le vivre-ensemble est donc un de ces énièmes moyens d’avoir la conscience tranquille quand on veut rester dans sa zone de confort et que, voyant que les communautés discriminées décident d’agir entre elles après avoir assez attendu, le font sans nous. On vous laisse la boîte de gâteaux. Alors, je ne vais pas dans le sens du vivre-ensemble, ou je ne vais pas dans TON sens ? Derrière le bâillon, peut-être qu’il n’est  pas trop tard pour nous écouter….