[BOOKREVIEW]”Blues Pour Elise” de Léonora Miano : une belle intro à la Littérature Afropéenne [Fr]

Depuis le temps que j’attends de vous écrire une telle critique…
Pour ceux qui me lisent depuis un moment, vous savez déjà combien j’ai l’habitude de déplorer l’absence d’une mise en valeur d’une littérature afropéenne. Les raisons de cette envie sont innombrables, mais les principales motivations tiennent – grosso modo – en deux motivations : le besoin de s’identifier et la diversification d’une litté afropéenne essentiellement connue pour sa vaine essayiste (Fanon, Césaire…). Sans pouvoir comparer complètement les deux littératures, la littérature afropéenne partage avec la littérature afro-américaine  la revalorisation d’un héritage, en quête d’une visibilité qui lui est bien souvent refusée. Beaucoup diraient qu’en matière de littérature, il est question de goût. Bien sûr, mais comment savoir si l’on aime ou non ce que l’on ne connaît pas ?

Ceci étant dit,  après une journée et demi à le dévorer, Blues pour Elise vient de s’imposer comme une belle introduction à la littérature afropéeenne ! Publié en 2010, Léonora Miano nous fait rencontrer en un roman les vies croisées de plusieurs femmes: amies, soeurs, mères, tantes, cousines, autant de filiations qu’il en faut pour parler de mariage gris, de nappy hair, de circoncision, de la femme, des racines tantôt sur le Continent tantôt appartenant à l’Europe, de la rivalité antilles/afrique, des hommes, des relations mère-fille, de métissage, des amoureux d’Afrique, de la sexualité, de l’élection de Barack Obama, de la pudeur africaine, de l’homosexualité… Des citations créoles, des pages de camerounais mélangant anglais et français, des références de musique soul, jazz et autres à la fin de chaque chapitre; Miano nous fait un merveilleux cadeau et nous laisse puiser dans nos propres souvenirs, où l’odeur du piment côtoie chacun un peu plus.

Toutefois, son écriture fluide est avant tout incisive : en effet, n’hésitant pas à reprendre des discussions entendues çà et là entre afrodescendants, l’auteur dénonce des manières de pensée parfois emplies d’amertume et de préjugés vis à vis de la peau noire ou de ceux qui la portent. La description de ces cultures entrecroisées se fait dans l’ode comme dans la critique : délestez-vous de votre mauvaise foi dès la première page, ce n’est pas l’auteur qui parle, mais ses personnages ! En somme, Miano y révèle la complexité d’êtres que l’on pense “pareils”, “identiques” aux yeux du monde.

Et comme il est bon de rappeler que la litté afro n’est jamais faite de livres “écrit par un(e) noir(e) pour des noir(e)s”, il me semble important de dire à qui est destiné ce livre :

  • Pour les afropéens ou afrodescendants qui y trouveront une chaleur bien commune, ou alors bien lointaine : ce roman est une découverte sur tous les plans, il nous rappelera des ami(e)s ou simplement nous ouvrira des axes de réflexion très intéressants.
  • Pour les non-afro : à ceux qui laissent pulluler secrètement des préjugés, des questions qu’ils n’osent pas poser, qui ne savent pas ce que sont des rajouts (hahaha), ce livre est pour vous ! Vous verrez qu’on est pas si différents 😉
  • Pour les adeptes du voyage : Miano fait parfois référence à des rituels, des cérémonies, des bouts de folklore, et des références qui sont un pur délice.

Je ne vais pas vous mentir : pour moi, le Blues pour Elise s’impose comme étant un indispensable. J’ai lu certaines pages à voix haute à ma mère, à ma soeur, et toutes nous dévorions ce livre qui nous parlait. Ce livre réunit, tant par la proximité de ce qu’il évoque que par la découverte de ce que l’on ignore. C’est un éventail de saveurs, homogène, mais aussi de pistes de réflexions ouvertes. Il évoque les clichés attribués aux différentes communautés afro, tout en les dénonçant et les développant dans leurs soubassements.

Enfin, comme Miano le dit elle-même pour décrire ce roman riche : “La France, comme vous ne l’avez jamais lu”.

Pour aller plus loin:

Le descriptif des personnages et les bonus (musique, structure du roman) super complet !

8 thoughts on “[BOOKREVIEW]”Blues Pour Elise” de Léonora Miano : une belle intro à la Littérature Afropéenne [Fr]

  1. Etant non-afro (mais a priori plus initié que dans ta “définition”), papa d’un afro-descendant (la mère de mon fils est née au Cameroun) et adepte du voyage, je ne peux que découvrir avec plaisir et vif intérêt ce roman de Léonora Miano, que je ne connais que médiatiquement.
    Grâce à toi, j’ai trouvé le moyen de me replonger dans cette littérature afropéenne que j’avais goûtée, même dévorée avec, entre autres, “Le ventre de l’Atlantique” de Fatou Diome et quelque peu délaissée, avec Calixthe Beyala…

  2. Je viens de finir “blues pour Elise”, j’ai beaucoup aimé le livre, en tant que jeune fille africaine vivant en Europe, je me retrouve plus ou moins dans les personnages.
    Une fois de plus, Mme Miano, sait décrire avec justesse des situations quotidiennes des afro-européens. A lire!!

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  5. J’ai adoré le livre trop 🔝🔝!!Je l’ai lu en une journée ,j’avais délaissé la lecture car j’ai basculé du côté obscure des serievore LOL mais c surtout que jtrouvais pas tjrs en librairie des livres qui me parlent de ma vie de F NOIRE tout simplement!!
    Mais sa c’était avant 😉 (MM s’il a fallu une 10jrs Apres la commande)
    La Je vais commencer l’œil le plus bleu de Toni😍
    Je m’inspire de ton blog pour les livres ET PAS QUE 😊😊
    Merci encore pour le partage

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